Lorsqu’un créancier obtient un titre exécutoire pour recouvrer une dette, il est en droit de recourir à des mesures de saisie pour obtenir le paiement. Cependant, la loi permet au débiteur, dans certaines conditions, de demander un délai de paiement pour échelonner la dette, même en cas de titre exécutoire. Ce guide explore les notions de titre exécutoire et de délai de paiement, les situations où un délai peut être accordé et les implications pour le créancier et le débiteur.
- Titre exécutoire : définition et importance
- Le délai de grâce : un outil pour le débiteur
- Durée du délai de grâce
- Droits du créancier en cas de délai de grâce
1. Titre exécutoire : définition et importance
Un titre exécutoire est un acte juridique ou une décision de justice qui autorise un créancier à recouvrer une créance par voie d’exécution forcée comme la saisie sur salaire, la saisie de biens ou la saisie de comptes bancaires. Ce document est émis par une autorité compétente comme un tribunal, un notaire, un huissier de justice, et confère une légitimité juridique au créancier pour recouvrer la dette.
Les titres exécutoires peuvent prendre plusieurs formes, par exemple :
- Jugements et ordonnances judiciaires : les décisions de justice condamnant un débiteur à payer.
- Actes notariés : les actes sous seing notarié portant la formule exécutoire, comme une reconnaissance de dette.
- Procès-verbaux de conciliation : les accords homologués par un juge.
Le titre exécutoire permet au créancier de recourir à des moyens coercitifs pour récupérer les sommes dues mais le débiteur peut solliciter un délai de paiement pour étaler les paiements.
2. Le délai de grâce : un outil pour le débiteur
Le délai de grâce est une mesure légale prévue par l’article 1343-5 du Code civil qui permet au juge d’accorder au débiteur un délai pour s’acquitter de sa dette. Ce délai peut être accordé lorsque le débiteur fait face à des difficultés financières temporaires. Le juge est alors en mesure de suspendre ou d’étaler les paiements jusqu’à deux ans maximum. C’est ainsi qu’un créancier titulaire d’un titre exécutoire peut être obligé de respecter le délai de paiement accordé au débiteur par la justice.
Le débiteur peut demander un délai de grâce lorsque :
- Il est confronté à une situation financière difficile mais temporaire.
- Il peut prouver que le report ou l’échelonnement du paiement est nécessaire pour éviter une situation d’insolvabilité.
- Il justifie de bonnes perspectives de redressement dans le futur.
Ce délai de paiement peut être demandés au moment de l’action en recouvrement, en appel, lors de l’obtention d’un titre exécutoire ou même lors de l’exécution forcée de la décision.
Pour obtenir un délai de grâce, le débiteur doit soumettre une demande au tribunal compétent. Le juge, après évaluation de la situation, peut décider d’accorder ou de refuser le délai en fonction des éléments présentés par le débiteur et le créancier. Il dispose d’une grande latitude pour accorder ou refuser un délai de grâce, et sa décision est souveraine. Il peut rejeter la demande sans avoir à justifier son refus si les arguments du débiteur sont insuffisants.
3. Durée du délai de grâce
Le Code civil limite le délai de grâce à deux ans maximum. Ce délai est en général suffisant pour permettre au débiteur de stabiliser sa situation financière et de reprendre les paiements sans compromettre sa solvabilité.
a) Point de départ du délai
Le délai de grâce prend effet à partir de la décision du juge. Si le jugement est contradictoire (c’est-à-dire que les parties ont comparu), le délai court dès la date du jugement. Dans le cas contraire, il commence à compter de la notification au débiteur.
b) Cas particuliers
Dans le cas des baux d’habitation, un délai de trois ans peut être accordé pour le paiement des loyers impayés, offrant une protection accrue aux locataires en difficulté (loi du 6 juillet 1989, article 24 V)
3. Les effets du délai de grâce
L’octroi d’un délai de grâce a plusieurs effets juridiques importants pour le créancier et le débiteur.
a) Suspension des poursuites
Pendant la durée du délai accordé, les mesures d’exécution forcée, comme les saisies, sont suspendues. Cela signifie que le créancier ne peut plus engager d’actions coercitives jusqu’à ce que le délai expire.
b) Cessation des intérêts et pénalités
Les intérêts et pénalités de retard cessent d’être dus pendant le délai de grâce, offrant un répit au débiteur pour éviter l’aggravation de sa dette.
c) Impact sur les autres créanciers
Le délai de grâce ne s’applique qu’à la dette en question et ne s’étend pas aux autres créanciers du débiteur. Ainsi, un débiteur ayant plusieurs créances ne peut invoquer ce délai pour se protéger contre d’autres procédures de recouvrement.
4. Droits du créancier en cas de délai de grâce
Bien que le délai de grâce soit une protection pour le débiteur, le créancier a également des droits pour s’assurer que sa créance est honorée.
a) Appel de la décision
Si le juge accorde un délai de grâce, le créancier peut interjeter appel de cette décision s’il estime qu’elle compromet gravement ses intérêts. L’appel peut permettre une réévaluation de la situation et éventuellement réduire ou annuler le délai.
b) Compensation
Le créancier peut faire valoir la compensation en cas de dettes réciproques avec le débiteur. Cette option lui permet de compenser ce qui est dû au débiteur avec la créance en cours.
c) Poursuite de la caution
Si la créance est assortie d’une caution (personne ayant accepté de garantir la dette du débiteur principal), le créancier peut engager des poursuites contre elle. En effet, la caution n’est pas directement concernée par le délai de grâce accordé au débiteur principal, sauf décision spécifique du juge. Le créancier peut ainsi se retourner vers la caution pour obtenir le paiement, même si le débiteur bénéficie d’un délai supplémentaire.
d) Poursuite du codébiteur
Lorsque la créance est également due par un codébiteur solidaire (dans le cas de dettes contractées conjointement), le créancier peut également se tourner vers ce codébiteur pour recouvrer la somme due. Comme pour la caution, le délai de grâce accordé au débiteur principal ne suspend pas le droit du créancier de poursuivre un codébiteur solidaire. Cela permet au créancier de diversifier ses recours et d’éviter de subir des pertes dues au report des paiements.
En conclusion, le titre exécutoire confère au créancier le droit d’engager des actions coercitives pour recouvrer une dette, mais le délai de grâce offre au débiteur une opportunité de négocier un échéancier de paiement pour se redresser financièrement. En comprenant les conditions et les effets de ce délai, tant les créanciers que les débiteurs peuvent mieux anticiper leurs droits et obligations dans le cadre du recouvrement de créances.