Lorsqu’une dette reste impayée, que ce soit dans le cadre d’une relation entre particuliers ou entre entreprises, il est essentiel pour le créancier de connaître le délai de prescription applicable pour réclamer son paiement. La prescription désigne la durée légale au-delà de laquelle un créancier ne peut plus agir en justice pour récupérer le montant dû. Mais combien de temps dispose-t-on pour réclamer une dette ? Cet article vous éclaire sur les différents délais de prescription en fonction de la nature des créances ainsi que sur les moyens d’interrompre ou de suspendre ces délais.
1. Qu’est-ce que la prescription d’une dette ?
La prescription extinctive est un mécanisme juridique par lequel le droit d’un créancier de poursuivre le recouvrement d’une dette s’éteint après un certain délai d’inaction. Une fois ce délai écoulé, le débiteur peut refuser de payer sans risquer de poursuites judiciaires car la créance est considérée comme prescrite. Ce principe vise à apporter une sécurité juridique aux transactions financières en empêchant les créances de rester indéfiniment pendantes.
2. Quels sont les différents délais de prescription ?
Les délais de prescription varient en fonction de la nature de la dette et du statut des parties concernées. Voici un aperçu des délais applicables en France :
- Créances civiles (entre particuliers) : le délai de prescription est de 5 ans (article 2224 du Code civil). Ce délai s’applique, par exemple, aux prêts d’argent entre particuliers sans mention contractuelle spécifique.
- Créances commerciales (entre professionnels) : les dettes entre entreprises se prescrivent également par 5 ans (article L. 110-4 du Code de commerce). Cela inclut les factures impayées pour des prestations de services ou la vente de biens entre sociétés.
- Créances envers les consommateurs (B2C) : lorsqu’un professionnel facture un particulier pour un bien ou un service, le délai de prescription est réduit à 2 ans (article L. 218-2 du Code de la consommation). Cela s’applique, par exemple, aux factures d’électricité, d’eau, de téléphonie ou aux crédits à la consommation.
- Dettes locatives (loyers impayés) : en matière locative, le délai est de 3 ans (article 7-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989). Cela inclut les loyers et charges locatives non réglés.
- Créances salariales (salaires impayés) : le salarié dispose d’un délai de 3 ans pour réclamer des salaires impayés (article L. 3245-1 du Code du travail).
- Titres exécutoires (jugements) : lorsqu’un créancier obtient un jugement condamnant le débiteur à payer, il dispose d’un délai de 10 ans pour exécuter ce jugement (article L. 111-4 du Code des procédures civiles d’exécution).
3. Comment calculer le délai de prescription d’une dette ?
Pour savoir si une dette est prescrite, il est crucial d’identifier le point de départ du délai de prescription. En règle générale :
- Le délai de prescription commence à courir dès que la dette devient exigible, c’est-à-dire à la fin du délai de paiement convenu entre les parties.
- Si aucun délai n’est précisé, la prescription commence à compter de la date d’émission de la facture ou du moment où la prestation a été réalisée.
Exemple : une facture émise le 1er janvier 2024 avec un délai de paiement de 30 jours devient exigible à partir du 31 janvier 2024. Pour une créance entre professionnels, le délai de 5 ans commencera donc à courir à partir du 1er février 2024.
4. Interruption et suspension du délai de prescription
Il est possible, dans certaines circonstances, d’interrompre ou de suspendre le délai de prescription. Voici comment cela fonctionne :
- Interruption : la prescription est interrompue par certains actes tels que l’envoi d’une mise en demeure, une assignation en justice, ou encore le paiement partiel par le débiteur (article 2240 du Code civil). Lorsqu’un acte interruptif est effectué, le délai de prescription repart à zéro. Exemple : Si un créancier envoie une mise en demeure 4 ans après la date d’exigibilité d’une facture, un nouveau délai de 5 ans commence à courir à partir de la date de la mise en demeure.
- Suspension : la prescription peut être suspendue dans des situations exceptionnelles, comme un cas de force majeure ou des négociations amiables (article 2234 du Code civil). Idem en cas de médiation ou de conciliation (article 2238 du Code civil). Pendant la suspension, le délai est mis en pause et reprend là où il s’était arrêté une fois l’obstacle levé.
5. Que faire si la dette est prescrite ?
Si le délai de prescription est atteint, le débiteur peut invoquer la prescription pour contester la validité de la dette. Voici comment procéder :
- Ne reconnaissez pas la dette oralement ou par écrit car toute reconnaissance pourrait interrompre la prescription et faire repartir le délai.
- Envoyez une lettre recommandée au créancier pour invoquer la prescription et exiger qu’il cesse ses tentatives de recouvrement.
Exemple de lettre :
Madame, Monsieur,
Suite à votre relance datée du [date], je conteste formellement la validité de la créance que vous m’indiquez au motif que celle-ci est prescrite conformément à l'article [mentionner l'article de loi applicable].
Je vous demande donc de cesser toute action de recouvrement à mon encontre. À défaut, je me réserve le droit d'engager des poursuites pour pratiques abusives.
Je vous prie d’agréer, Madame, Monsieur, l’expression de mes salutations distinguées.
[Nom et signature]
6. Que faire si un huissier de justice vous contacte pour une dette prescrite ?
Si vous recevez un avis d’un huissier pour une dette que vous estimez prescrite :
- Informez l’huissier que la créance est prescrite en lui envoyant une copie de votre lettre de contestation.
- Vérifiez le titre exécutoire (s’il y en a un) pour vous assurer que le délai de 10 ans est dépassé.
- Ne cédez pas à la pression : un huissier ne peut pas vous forcer à payer une dette prescrite sans un titre valide.
7. Conseils pratiques pour les créanciers
Pour éviter de perdre le droit de recouvrer des créances :
- Suivez régulièrement les échéances et relancez les clients en retard dès que possible.
- Envoyez des mises en demeure pour interrompre la prescription en cas de retard prolongé.
- Conservez des preuves (courriers, contrats, emails) pour justifier des actions entreprises en cas de litige.
Le délai de prescription pour une dette varie en fonction de sa nature (civile, commerciale, salariale, etc.) et des parties impliquées. Il est essentiel de maîtriser ces délais pour protéger vos droits, que vous soyez créancier ou débiteur. Si vous avez des doutes sur le statut d’une dette, il est conseillé de consulter un avocat spécialisé ou un commissaire de justice pour obtenir des conseils adaptés à votre situation.